*Traumatisme d’agression sexuelle

Je suis heureuse de vous partager aujourd’hui un article de blog écrit par Audrey-Anne Hélène – @medecinekintsugi.

Audrey-Anne est thérapeute. Elle accompagne les femmes victimes d’agressions sexuelles sur la voie de la guérison de leurs traumatismes.

Devenir parent pour la première fois, ce n’est vraiment pas simple ! Mais devenir parent quand on a subi des violences sexuelles, c’est rajouter de la complexité à une situation déjà bien challengeante !

COMMENT JE SAIS QUE C’EST UN DEFI

Je suis Audrey-Anne, j’ai 41 ans et 2 enfants de 12 et 9 ans.

Je peux dire aujourd’hui que la relation à mes enfants en tant que maman est plutôt chouette et épanouissante, même s’il y a toujours des challenges à relever et que nous continuons de grandir et d’évoluer ensemble. Pour autant, ça n’a pas toujours été le cas.

Dans mon histoire personnelle, il y a la rencontre avec un pédocriminel alors que j’étais âgée de 8 ans puis d’autres épisodes, où des situations de violences sexuelles se sont répétées jusqu’à mes 15 ans.

Mon cerveau ne voulant que mon bien, a mis en place assez vite plusieurs systèmes de sauvegarde pour me permettre de survivre et d’avancer sur mon chemin tant bien que mal, malgré ces épisodes de vie traumatisants et douloureux. Pendant des années, j’ai juste « oublié » ce qui m’était arrivé, même si mon corps lui, gardait l’empreinte indélébile de ces évènements traumatisants.

L’ARRIVEE DU 1ER ENFANT : LA REACTIVATION DES FANTÔMES PASSES

C’est au moment de l’arrivée de ma fille, mon aînée, que les fantômes du passé ont resurgi et m’ont complètement submergée, réactivant tous mes mécanismes de protection et d’hypervigilance constante, de façon accrue.

« J’ai une fille. J’ai une fille et j’ai peur pour elle.  Je ne voudrais pas qu’elle connaisse la même histoire que moi et que celle de ma lignée paternelle. »

Alors, j’ai tenu ma fille sous garde rapprochée, lui interdisant d’être dans des endroits où je ne la voyais pas et où je ne pouvais pas être à moins de 2m d’elle. Pas facile quand on est une enfant de 3 ans qui n’a qu’une seule envie : explorer son environnement ! Et pas facile non plus quand on est maman avec une charge mentale déjà bien encombrée de répondre aux sollicitations de son enfant tout en tentant de maintenir une bulle de protection tout autour d’elle.

être parent quand on a subi des sexotraumatismes : quel défi !

LE POINT DE BASCULE

Et puis, il y a eu ce jour. Ce jour où tout a basculé pour moi, me mettant face à mes peurs.

Ma fille avait environ 4 ans, nous étions à un bal sur notre lieu de vacances et nous dansions ensemble, profitant agréablement de ce moment mère-fille… Jusqu’à ce qu’un inconnu vienne s’incruster !

Il souriait et dansait avec ma fille puis me regarda en me disant que ma fille était vraiment très belle. Et là, je sentis comme une alerte s’enclencher en moi. Tout mon corps hurlait. Puis, sans crier gare, il saisit le visage de ma fille pour lui embrasser tendrement le front. J’étais en état de sidération. C’est comme si mes pires cauchemars prenaient vie sous mes yeux sans que je ne puisse réagir !

Il m’a fallu un bon moment pour sortir de cet état de torpeur et soutenir ma fille qui me regardait avec de grands yeux interrogateurs, se demandant ce qui venait de se passer et ne se sentant pas à l’aise avec cela.

REACTION ARCHAÏQUE : FUITE, SIDERATION OU AGRESSIVITE

Ma réaction ensuite a été la fuite. J’ai pris ma fille par la main et nous sommes parties à toute vitesse regagner notre logement.

Ma fille m’a posé tout un tas de questions le long du chemin, j’ai toujours été attentive et ouverte à partager autour de la notion de consentement, et ce soir-là, je me suis autorisée à répondre à toutes ces questions et à lui parler de mon histoire personnelle (sans entrer dans les détails).

J’ai pu lui partager comment je me sentais et pourquoi le geste de cet inconnu était inapproprié. J’ai pu lui apporter aussi toute l’écoute dont elle avait besoin sur ses propres ressentis face à cette situation inhabituelle. Et c’est comme ça que les thématiques touchant au respect de l’intégrité physique et morale ont pris une place capitale dans notre quotidien et nos échanges.

C’est aussi le moment où j’ai pris conscience que vouloir maintenir ma fille sous cloche ne la préserverait pas, bien au contraire… Ma propre mère m’avait maintenue sous cloche et pour autant, j’ai subi à de nombreuses reprises des agressions sexuelles. Il était donc hors de question pour moi de reproduire les mêmes erreurs.

Einstein disait que le fou est celui qui en faisant les mêmes erreurs s’attend à un résultat différent !

COMPRENDRE POUR AGIR

Alors, tout en continuant mes accompagnements thérapeutiques pour sublimer mes propres blessures traumatiques, j’ai pris conscience que je ne pourrais jamais préserver mes enfants de tout mais que je pouvais leur donner les moyens et les outils de faire face aux différentes situations qu’ils rencontreraient.

J’ai aussi compris que mon rôle de maman était de leur permettre d’expérimenter et de vivre pleinement leurs expériences tout en étant, quoiqu’ils puissent vivre et ressentir, à l’écoute, présente, soutenante et aimante.

Au départ, je me suis donc fait la porte-parole de leur consentement, et surtout lorsqu’ils ne voulaient pas faire de bisous pour dire bonjour ou pour « faire plaisir à …». Les accompagner dans le respect et à l’écoute de leurs propres limites m’a aussi énormément appris dans mon propre parcours de résilience et dans la pose de mes propres limites. En disant « non » à l’autre, je n’étais ni gentille ni méchante, je me disais juste « oui » à moi-même et j’apprenais à m’aimer et me respecter !

Et puis nous avons trouvé cette ressource vidéo qui a été comme une pépite dans notre famille : Il s’agit d’un programme de prévention canadien sur la thématique du consentement, dont mes enfants ont longtemps chanté la chanson : « mon corps, c’est mon corps, ce n’est pas le tien, toi tu as ton corps, alors laisse-moi le mien », pour exprimer leur liberté de décider pour eux-mêmes (tant qu’ils ne se mettent pas en danger).

Si ça t’intéresse, voici le lien : www.youtube.com/watch?v=Ewr9PtwtJ8w

UN DEFI MAIS AUSSI…

Alors, oui Être et Devenir parent lorsqu’on a subi des sexotraumatismes est un véritable défi mais si tu te sens prête à ouvrir la porte, tu verras s’offrir à toi un magnifique chemin de résilience.

Un chemin où tu pourras, tel un maître kintsugi, réparer et sublimer tes blessures pour faire en sorte qu’elles deviennent de magnifiques cicatrices dorées. Des cicatrices témoins de ton parcours unique faisant de toi une personne en capacité d’accompagner ses enfants sans être réactivée au quotidien par ton histoire traumatique.

Bien sûr, il y a parfois des ratés et en même temps, chacune de ces situations est une opportunité d’apprendre, de guérir et de te libérer de ton passé à ton rythme et en fonction de tes possibilités du moment.

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POUR ALLER PLUS LOIN

Vous êtes (ex) victimes d’agressions sexuelles et la thérapie par les fleurs pourrait vous accompagner sur la voie de la guérison de vos traumatismes ?